Régime fiscal des cryptomonnaies : point d’étape à la suite de l’adoption de la loi de finances pour 2022
L‘Autorité des Marchés Financiers (« AMF ») définit les « cryptomonnaies » comme suit : « Les « cryptomonnaies », plutôt appelés « crypto-actifs », sont des actifs numériques virtuels qui reposent sur la technologie de la blockchain (chaine de bloc) à travers un registre décentralisé et un protocole informatique crypté. Un crypto-actif n’est pas une monnaie. Sa valeur se détermine uniquement en fonction de l’offre et de la demande. Les crypto-actifs ne reposent pas sur un tiers de confiance, comme une banque centrale pour une monnaie. Il existe à ce jour plus de 1 300 crypto-actifs. Les plus connus sont le bitcoin, le ripple, l’ether, le litecoin, le nem et le dash. » Le bitcoin est aujourd’hui la cryptomonnaie la plus connue. Cette dernière est à la fois un système de paiement et une unité de compte. Celle-ci permet donc à son détenteur de faire des transactions mais également de se constituer un patrimoine. Du fait de l’invasion de l’Ukraine par la Russie et des sanctions économiques prises contre ce dernier Etat, les cryptomonnaies sont aujourd’hui au cœur des débats. Le 24 février 2022, juste avant l’effondrement du rouble, les achats de bitcoins en Russie ont ainsi atteint un pic de 1,5 milliard de roubles (environ 20 millions d’euros). Certains citoyens russes ont par ailleurs investi massivement dans le Tether (symbole boursier : USDT), un « stablecoin » qui vise à répliquer la valeur du dollar américain et dont le cours est réputé plus stable que le bitcoin. L’adoption de la loi de finances pour 2022, la crise actuelle en Ukraine mais également l’intérêt toujours grandissant du grand public pour les cryptomonnaies représentent l’occasion de faire un point sur le régime fiscal applicable en cas de cession d’une cryptomonnaie par une personne physique résidente de France, et les obligations déclaratives y afférentes.
Cession d’actifs numériques : principales considérations fiscales
Fait générateur de l’impôt
Constituent des opérations imposables, les cessions à titre onéreux d’actifs numériques en contrepartie :
- de monnaie ayant cours légal ;
- de l’échange d’un bien autre qu’un actif numérique ;
- de l’échange avec soulte d’un actif numérique ;
- d’un service.
A l’inverse, les opérations d’échanges (sans soulte) d’actifs numériques ne déclenchent le paiement d’aucun impôt. Le Code Général des Impôts (« CGI ») définit les « actifs numériques » par renvoi à l’article L. 54-10-1 du code monétaire et financier (« CoMoFi »). Sont ainsi visés :
- les jetons mentionnés à l’article L. 552-2 du CoMoFi, à l’exclusion de ceux répondant aux caractéristiques des instruments financiers mentionnés à l’article L. 211-1 du CoMoFiet des bons de caisse mentionnés à l’article L. 223-1 du CoMoFi soumis à un autre régime d’imposition (celui de l’article 200 A du CGI). Ainsi, en application de l’article L. 552-2 du CoMoFi précité, constitue un jeton tout bien incorporel représentant, sous forme numérique, un ou plusieurs droits, pouvant être émis, inscrits, conservés ou transférés au moyen d’un dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant d’identifier, directement ou indirectement, le propriétaire dudit bien. En pratique, il s’agit notamment des jetons ou « tokens » issus d’opérations de levées de fonds (« ICO » : Initial Coin Offering), effectuées à travers une technologie de registre distribué (« blockchain ») pour financer une entreprise nouvelle ou innovante ;
- toute représentation numérique d’une valeur qui n’est pas émise ou garantie par une banque centrale ou par une autorité publique, qui n’est pas nécessairement attachée à une monnaie ayant cours légal et qui ne possède pas le statut juridique d’une monnaie, mais qui est acceptée par des personnes physiques ou morales comme un moyen d’échange et qui peut être transférée, stockée ou échangée électroniquement.
Recommandation : Les détenteurs de cryptomonnaies volatiles (exemple : bitcoin) devraient être en mesure de sécuriser une partie de leur patrimoine, sans frottement fiscal, en convertissant une partie de leurs cryptomonnaies en « stablecoin » (lesquels sont réputés moins volatiles – exemple : USDT). Cette opération serait neutre fiscalement si le « stablecoin » en question est valablement considéré comme étant une cryptomonnaie.
Régime fiscal applicable
Les plus-values réalisées – dans les conditions visées supra – par les personnes physiques fiscalement domiciliées en France lors de la cession à titre onéreux de cryptomonnaies, sont imposables à la flat tax au taux de 30 % (12,8 % au titre de l’impôt sur le revenu / 17,2 % au titre des prélèvements sociaux)[1]. Ce régime d’imposition concerne toutefois exclusivement les personnes physiques qui réalisent des opérations à titre occasionnel dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé. Il convient en effet de noter que :
- les plus-values résultant de l’exercice habituel d’une activité d’achat-revente d’actifs numériques sont soumises au régime des Bénéfices Industriels et Commerciaux (« BIC» – application du (application du barème progressif de l’impôt sur le revenu)[2];
- le régime des Bénéfices Non Commerciaux (« BNC») s’applique (barème progressif de l’impôt sur le revenu), par exception, lorsque les gains réalisés par le contribuable ne constituent pas un gain en capital résultant d’une opération de placement, mais sont la contrepartie de la participation du contribuable à la création ou au fonctionnement de ce système d’unité de compte virtuelle (activité dite de « minage »).
La loi de finances pour 2022 a aménagé le régime décrit supra (pour les cessions d’actifs numériques qui seront réalisées à compter du 1er janvier 2023), comme suit :
- la qualification professionnelle ou non professionnelle des opérations portant sur des actifs numériques sera appréciée non plus en fonction de leur caractère habituel mais au regard des conditions de leur réalisation. Les critères permettant de qualifier de « professionnel » l’exercice d’une activité d’achat et de vente d’actifs numériques seront alignés sur ceux prévus pour les opérations de bourse, à savoir la réalisation d’opérations d’achat, de vente et d’échange d’actifs numériques effectuées dans des conditions analogues à celles qui caractérisent une activité exercée par une personne se livrant à titre professionnel à ce type d’opérations. En pratique, seule une modification de la doctrine administrative applicable avec l’assistance de professionnels du secteur devrait permettre de dégager des critères clairs et ainsi de sécuriser les différents types d’opérations. Les plus-values réalisées dans de telles conditions seront dorénavant imposées selon le régime des BNC (application du barème progressif de l’impôt sur le revenu) ;
- les plus-values réalisées dans un cadre non professionnel pourront être soumises, sur option expresse et irrévocable du contribuable, au barème progressif de l’impôt sur le revenu au lieu du taux forfaitaire de 12,8 %. L’option sera globale et portera sur l’ensemble des plus-values de cession d’actifs numériques réalisées par le foyer fiscal. Elle sera exercée chaque année lors du dépôt de la déclaration de revenus et au plus tard avant la date limite de déclaration. Cette option pourra être exercée pour la première fois en 2024 pour l’imposition des revenus de 2023.
Recommandation : L’option pour le barème progressif de l’impôt sur le revenu devrait avoir un intérêt uniquement si la tranche marginale de l’impôt sur le revenu du contribuable est de 11 % (ou inférieur).
Obligations déclaratives
Les personnes physiques (résidentes de France) qui réalisent des opérations à titre occasionnel dans le cadre de la gestion de leur patrimoine privé doivent :
- déclarer à l’aide d’un formulaire n°3916 leurs comptes détenus à l’étranger (exemple : Coinbase, Binances, Bitpanda) ;
- déclarer les plus-values réalisées sur cessions d’actifs via le formulaire n°2086.
[1] Code Général des Impôts « CGI », article 150 VH bis et 200 C. La contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au taux de 3 ou 4 % est éventuellement applicable (revenu fiscal de référence supérieur à 250.000 € pour un célibataire et 500.000 € pour un couple marié ou pacsé).
[2] BOI-RPPM-PVBMC-30-10 § 70 du 2 septembre 2019.